lundi 23 novembre 2009

Arrivant du Brésil, j'entends, avec un peu de retard, de graves dissonances.
Sans doute un écrivain marqué par le prix Goncourt devrait-il, pour un député épris de ce qu'il nomme 'modération' ou 'réserve', savoir chanter notre nouvel Hymne à l'Identité nationale, qui sera bientôt en voie d'être entonné dans les écoles.
Heureusement, Marie N'Diaye a l'oreille trop fine pour ce fracas, et nous préférons de beaucoup la musique de son écriture.
Jean-Pierre Faye
président de l'Union des Ecrivains

dimanche 15 novembre 2009

Frédéric a répondu


Frédéric Mitterrand a répondu, sinon à la demande de M. Éric Raoult, puisqu’il compte le faire par écrit, du moins à l’attente des jurés Goncourt, des écrivains et de toute personne dans le public ahurie par ladite demande. Il a répondu : « Je n’ai pas à arbitrer entre une personne privée qui dit ce qu’elle veut dire et un parlementaire qui dit ce qu’il a sur le cœur ». M. Éric Raoult, pour sa part, a retiré « devoir de réserve » pour mettre à la place « principe de modération ». Il peut quand même se féliciter d’avoir amené Frédéric Mitterrand à s’appliquer personnellement le devoir de réserve.
Et nous continuons à nous demander comment, dans la France de 2009, un citoyen, de surcroît député, a pu imaginer qu’un ministre avait pouvoir d’imposer, en dehors des cas prévus par la loi, la réserve ou la modération à un autre citoyen, au seul motif que ce dernier (ou cette dernière) avait reçu un prix littéraire prestigieux. C’est faire un usage de la culture qui n’était pas, jusqu’ici, un trait connu de l’identité nationale.
Françoise Hàn

mercredi 11 novembre 2009


Que va dire Frédéric ?


Il y a peu, le 21 octobre, à la SGDL, Frédéric Miterrand nous déclara qu’il ferait tout pour les écrivains. et dressa une liste prometteuse des mesures qu’il comptait mettre en œuvre pour les auteurs – dont, par exemple, un abattement fiscal. Il était heureux de parler dans cette maison (qui est aussi sa maison puisqu’il écrit).
Je suppose qu’il incluait dans ses propos tous les auteurs, et pas seulement ceux de la France profonde, nés par exemple à Pithiviers dans le Loiret… Il est vrai que, dans son intervention au parlement, le député Raoult n’a pas dit que Marie N’Diaye était noire, car il n’est pas raciste, il n’a pas dit que la dite lauréate du Goncourt et néanmoins génétiquement africaine manquait de reconnaissance, elle qui a été nourrie au sein de la France, car il n’est pas raciste. Mais quand même ! «Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d’un certain respect à l’égard de nos institutions», invoque le député de Seine-Saint-Denis Eric Raoult (« les couleurs » : un retour du refoulé ?). Il appelle au «devoir de réserve dû aux lauréats du Prix Goncourt».
Mais qu’a fait la pauvrette ? Elle a dit haut ce que beaucoup susurrent : «Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob.» Dénonçant une «atmosphère de flicage, de vulgarité», elle juge «monstrueux» l’actuel ministre de l’Immigration, Eric Besson, et son prédécesseur, Brice Hortefeux.
Et elle a joint les actes aux paroles en partant vivre à Berlin il y a deux ans et demi… Elle avait tenu ces propos dans les Inrockuptibles le 30 août dernier, avant le Goncourt. Elle persévère après, dans le n° de Grazia du 5/7 novembre : « quand on a vu apparaître son visage [celui de Sarkozy] le jour de l’élection, il y a un écoeurement, on s’est dit ce n’est plus possible ».
« Ces propos d'une rare violence, sont peu respectueux voire insultants, à l'égard de ministres de la République et plus encore du Chef de l'État, a commenté Eric Raoult. Il me semble que le droit d'expression ne peut pas devenir un droit à l'insulte ou au règlement de compte personnel […] C'est pourquoi, il me paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d'une plus grande exemplarité et responsabilité ».
Mais pourquoi donc les Goncourt sont-ils allés la chercher là-bas, en Allemagne, elle qui s’était reconduite toute seule et spontanément à la frontière ? Les académiciens Goncourt seraient-ils donc de dangereux révolutionnaires ? On ne peut pas faire confiance à aucun écrivain, Eric Raoult l’a enfin compris. Si on ne peut leur mettre une étoile jaune, on pourrait au moins leur mettre une plume quelque part et leur imposer le couvre page, en guise de couvre feu ?
M. le Député demande donc à M. le Ministre de la culture et de la communication de lui indiquer sa position sur ce dossier, et ce qu'il compte entreprendre en la matière. On attend avec impatience la réaction de Frédéric…
Mathias Lair,
Secrétaire général de l’Union des Ecrivains


Des écrivains tenus au devoir de réserve ?


Un aspect de la proposition faite par le député Eric Raoult, aspect implicite dans le texte de Mathias Lair, Que va dire Frédéric ?, auquel par ailleurs je souscris entièrement, dépasse le panorama du ministère de la culture. Il conditionne le statut même de l'écrivain. Peut-on, en démocratie, demander aux écrivains de se soumettre à un devoir de réserve ? N'y a-t-il pas antinomie totale entre un tel devoir et les raisons profondes qui nous font écrire ?
Certes, le député n'a en vue que les lauréats du prix Goncourt. Quel auteur n'est pas, potentiellement, un lauréat ? Marie N'Diaye ne savait pas, lors de ses déclarations en août aux Inrockuptibles, que cette malchance allait lui échoir.
Où sommes-nous donc ? C'est dans les dictatures que l'on impose aux écrivains de se taire. Et c'est au lendemain du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, objet de célébrations européennes, qu'un député de notre république fait pareille proposition.
M. Eric Raoult nous offre-t-il là un sujet de fiction : le retour plus de vingt ans en arrière par un tunnel nous débarquant de l'autre côté du mur ?
Françoise Hàn
Secrétaire adjointe de l'Union des Ecrivains

mardi 10 novembre 2009

Identité ? « Normal » !
A une époque où, en France, nos dirigeants insistent sur la nécessité de placer au cœur des débats des « symboles forts » censés être garants de tout dérapage, tels que la lecture obligatoire de la lettre de ce pauvre Guy Moquet à sa famille, la veille de son assassinat commandité par la folie des hommes, ou la réintroduction à l’école de cours d’éducation civique et du chant de la Marseillaise, il est étonnant de constater à quel point leur échappe la charge symbolique des mots choisis pour nommer leurs combats. L’absence de prudence, pour ne pas parler de l’inconscience d’une partie de la classe politique la conduit à relancer un débat de fond sur un concept tel que « l’identité française » propre à réveiller l’inquiétude de ceux dont la mémoire est suffisamment vive pour se souvenir où ont mené, dans un passé encore proche, des actions issues de revendications nationalistes qui revenaient à terme à condamner à mort la « différence ».
Un exemple de cette inconscience, pire encore dans sa brutalité absolue, vient de resurgir dans un pays limitrophe, la Suisse, pays neutre, comme on le sait. J’étais à Genève, le 7 novembre dernier, dans le hall de la gare Cornavin où se trouvaient trois immenses panneaux déroulants contenant chacun trois affiches qui passaient en boucle : Les premières affiches de chacun des trois panneaux comportaient des formulations légèrement différentes, inscrites en gros caractères, le reste était laissé en blanc, l’affiche n’était pas signée : 1er panneau, 1ère affiche : ARRETONS DE PAYER POUR LES HANDICAPES, 2ème panneau, 1ère affiche : LES HANDICAPES SONT INCAPABLES DE TRAVAILLER . 3ème panneau, 1ère affiche VOUS NE VERREZ JAMAIS LES HANDICAPES AU TRAVAIL.
La deuxième affiche, commune aux trois panneaux, représentait une caricature dessinée de femmes voilées, suivie de cette inscription en plus petits caractères : STOP/ OUI A L’INTERDICTION EN SUISSE DES MINARETS. La troisième affiche également commune aux trois panneaux, semblait là pour faire diversion, une jeune femme, mannequin, posait, en-dessous figurait le nom d’un grand magasin suisse.
Il y avait beaucoup de monde ce jour-là dans la gare dont un handicapé, coiffure punk, en fauteuil roulant qui passait et repassait devant les panneaux sans paraître les voir, pas plus du reste que la foule qui se pressait alentour dans la plus grande indifférence. Un employé à qui j’ai demandé si ces affiches qu’il avait sous le nez ne le dérangeaient pas m’a répondu froidement : « Quelles affiches ? » Seul mon voisin, un jeune homme d’origine maghrebine, a eu l’air reconnaissant de ma question.
La force des mots et des images est sans limite. Ceux-là et celles-ci sont déjà banalisées !
Renseignement pris auprès d’une amie députée socialiste au Grand Conseil de Genève, ces panneaux auraient été une invention du Conseil Fédéral, une forme de contre-pub en deux volets pour contrer la montée du parti populiste (17% aux dernières élections). Ce que j’ai pu voir le 7 novembre était le 1er volet. Le 2ème volet serait installé la semaine prochaine. Il paraît que certaines villes de Suisse les ont refusés, mais pas Genève où cela a suscité néanmoins une certaine gêne. On a accusé le Conseil Fédéral de maladresse mais on a laissé installer les affiches !
Brigitte Gyr

jeudi 5 novembre 2009

Poésie : un prix de découverte

L'association "Poésie-Rencontres 12", ex "association des Écrivains du Rouergue", organisatrice des Journées-poésie de Rodez depuis 1952, souhaite en 2010 renouveler ses actions autour du prix Ilarie Voronca (prix destiné à un jeune poète ayant pas ou peu publié). Son objectif reste le même : faire connaître et soutenir la poésie contemporaine.

Composition du jury : Michaël Glück, Président. Gérard Bocholier. Fabienne Courtade. Emmanuel Laugier. Cédric Le Penven (prix Voronca 2004). Hélène Sanguinetti.Un lecteur choisi par l'association (non encore nommé).

Le prix consiste en l'édition du manuscrit par l'éditeur Jacques Brémond. Il sera proclamé en mai et entraînera la participation à une journée poésie à Rodez, en octobre, ainsi que l’invitation l’année suivante à une résidence d’écriture en Aveyron.

La date limite de l'envoi pour le Prix Ilarie Voronca 2010 est le 8 mars 2010.
Pour obtenir le règlement complet, s’adresser à Sidonie Chevalier, par courriel : http://poesie.rencontres.12@gmail.com ou par téléphone : 06 82 76 43 90.