dimanche 8 juin 2008

L’ÉCRIVAIN :
UN PROSTITUÉ OU UN TRAVAILLEUR ?


L’ARPEL (Agence régionale pour l’écrit et le livre de l’Aquitaine) publie ces propos d’Anne-Marie Garat, présidente de la Maison des écrivains et de la littérature : « Que les écrivains ne soient pas des « professionnels du livre » ne me froisse pas. Il ne me semble pas qu’écrire, pas plus que tout autre forme d’art, puisse être considéré comme un métier ou une profession. C’est une activité d’art qui relève d’un choix absolument privé, intime, existentiel. [..] C’est moins en termes de paiement que cela se pose, que d’affirmation de la littérature comme valeur absolue, et des moyens de l’enseigner, d’éduquer à la lecture ».
La Littérature (avec majuscule, donc), absolue et intime : hors du monde du pouvoir et de l’argent. Maurice Godelier dit quelque part que ce qui est sacré, c’est ce qui ne peut ni se vendre ni s’acheter. D’après Anne-Marie Garat, la Littérature serait de cet acabit. Voilà pourquoi les éditeurs n’existent pas, pas plus que les libraires, etc… On sait que c’est par cette entourloupe, qui consiste à fonder son statut sur une origine absolue, une source plus ou moins divine, que s'institue la distinction sociale entre les vrais humains et le petit peuple à éduquer, ici les lecteurs.
Cette position fait de l’écrivain un prostitué : puisqu’il fait commerce, dès lors qu’il publie, de son intimité sacrée. On croit voir ressurgir la figure des prêtresses qui se livraient au public à l’ombre du temple… À l’Union des Écrivains, on préfère considérer l’écrivain comme un travailleur, produisant une œuvre qui implique une rémunération.
Si écrire renvoie, ô combien, à une dimension intime et existentielle, il n’est aucune raison de sanctifier la chose (et l’écrivain par la même occasion). Ceci peut rester dans les fourneaux de la création. Car il y a œuvre quand il y a commerce, c'est-à-dire échange et partage, ce qui implique de sortir de la splendeur narcissique du moment de l’élan créateur.