mardi 10 novembre 2009

Identité ? « Normal » !
A une époque où, en France, nos dirigeants insistent sur la nécessité de placer au cœur des débats des « symboles forts » censés être garants de tout dérapage, tels que la lecture obligatoire de la lettre de ce pauvre Guy Moquet à sa famille, la veille de son assassinat commandité par la folie des hommes, ou la réintroduction à l’école de cours d’éducation civique et du chant de la Marseillaise, il est étonnant de constater à quel point leur échappe la charge symbolique des mots choisis pour nommer leurs combats. L’absence de prudence, pour ne pas parler de l’inconscience d’une partie de la classe politique la conduit à relancer un débat de fond sur un concept tel que « l’identité française » propre à réveiller l’inquiétude de ceux dont la mémoire est suffisamment vive pour se souvenir où ont mené, dans un passé encore proche, des actions issues de revendications nationalistes qui revenaient à terme à condamner à mort la « différence ».
Un exemple de cette inconscience, pire encore dans sa brutalité absolue, vient de resurgir dans un pays limitrophe, la Suisse, pays neutre, comme on le sait. J’étais à Genève, le 7 novembre dernier, dans le hall de la gare Cornavin où se trouvaient trois immenses panneaux déroulants contenant chacun trois affiches qui passaient en boucle : Les premières affiches de chacun des trois panneaux comportaient des formulations légèrement différentes, inscrites en gros caractères, le reste était laissé en blanc, l’affiche n’était pas signée : 1er panneau, 1ère affiche : ARRETONS DE PAYER POUR LES HANDICAPES, 2ème panneau, 1ère affiche : LES HANDICAPES SONT INCAPABLES DE TRAVAILLER . 3ème panneau, 1ère affiche VOUS NE VERREZ JAMAIS LES HANDICAPES AU TRAVAIL.
La deuxième affiche, commune aux trois panneaux, représentait une caricature dessinée de femmes voilées, suivie de cette inscription en plus petits caractères : STOP/ OUI A L’INTERDICTION EN SUISSE DES MINARETS. La troisième affiche également commune aux trois panneaux, semblait là pour faire diversion, une jeune femme, mannequin, posait, en-dessous figurait le nom d’un grand magasin suisse.
Il y avait beaucoup de monde ce jour-là dans la gare dont un handicapé, coiffure punk, en fauteuil roulant qui passait et repassait devant les panneaux sans paraître les voir, pas plus du reste que la foule qui se pressait alentour dans la plus grande indifférence. Un employé à qui j’ai demandé si ces affiches qu’il avait sous le nez ne le dérangeaient pas m’a répondu froidement : « Quelles affiches ? » Seul mon voisin, un jeune homme d’origine maghrebine, a eu l’air reconnaissant de ma question.
La force des mots et des images est sans limite. Ceux-là et celles-ci sont déjà banalisées !
Renseignement pris auprès d’une amie députée socialiste au Grand Conseil de Genève, ces panneaux auraient été une invention du Conseil Fédéral, une forme de contre-pub en deux volets pour contrer la montée du parti populiste (17% aux dernières élections). Ce que j’ai pu voir le 7 novembre était le 1er volet. Le 2ème volet serait installé la semaine prochaine. Il paraît que certaines villes de Suisse les ont refusés, mais pas Genève où cela a suscité néanmoins une certaine gêne. On a accusé le Conseil Fédéral de maladresse mais on a laissé installer les affiches !
Brigitte Gyr

Aucun commentaire: